Le mandat, ses syntagmes et le syncrétisme

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– Article publié dans la Lettre du SAF –

Indépendant, mais auxiliaire de justice, obligé du secret professionnel, mais bénéficiaire de la foi du Palais, l’avocat sait aussi respecter le mandat qu’il tient de son client.
Mais à quel mandat se vouer ? Mandat ad litem, mandat ad agendum, mandat extrajudiciaire, mandat ad solemnitatem nous obligent. Mandat ad probationem, mandat ad instrumentum nous protègent. Mandat apparent nous menace.

Attirés par les marchés que nous font miroiter certains de nos représentants aux zygomatiques optimistes, nous en avons oublié les nuances syntagmatiques.

Le syntagme se distingue de la « locution, suite de mots séparés mais qui forment une unité de sens. » (1), en ce que le groupe lexical – que les linguistes appellent syntagmes – n’est pas figé. Le syntagme est séparable. Il est composé d’un signifié, terme central, lequel adjoint à un autre signifié donnera alors un signifiant différent.

Le signifié mandat, syntagme réduit à son seul noyau, est porté par son étymologie mandat venant de mander, du latin manum et dare, donner en main. Cette étymologie éclaire tous les syntagmes dérivés du substantif mandat.

Pour comprendre, revenons à la table de la loi (ça fait un peu chapelle), mais être avocat relève (parfois encore) du sacerdoce. Rien n’interdit, même pas le règlement intérieur, d’être syncrétique, et de vénérer Saint-Yves et Syntagme.

Au commencement était le mandat. Laïc ou ordinal, le principe est le même.

L’article 416 du code de procédure civile prévoit que « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. L’avocat est toutefois dispensé d’en justifier. »

L’article 6.2 du RIN déroule les missions de l’avocat dont la première est d’assiste(r) et représente(r) ses clients en justice, et à l’égard de toute administration ou personne chargée d’une délégation de service public, sans avoir à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par les textes légaux et réglementaires. Il fournit à ses clients toute prestation de conseil et d’assistance ayant pour objet, à titre principal ou accessoire, la mise en œuvre des règles ou principes juridiques, la rédaction d’actes, la négociation et le suivi des relations contractuelles.

Il peut recevoir des missions de justice.

La lecture combinée des articles 6 (2) et 4 (3) de la loi du 31 décembre 1971 dispense l’avocat d’avoir à justifier de son mandat quel que soit son domaine d’intervention, y compris en matière non contentieuse.

L’arrêt du 5 juin 2002 du Conseil d’État confirme cette analyse (4), tandis que l’alinéa premier de l’article 8 du décret du 12 juillet 2005 (5) reprend ce principe : « l’avocat doit justifier d’un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l’existence. »

L’avocat existe donc grâce au mandat ad litem, mais aussi au mandat extrajudiciaire.

Le mandat ad litem donné à l’avocat est par lui-même un mandat en termes généraux, permettant d’accomplir tous les actes de procédure dans l’instance pour laquelle il a été donné. (6)

Le mandat extrajudiciaire lui permet de représenter son client auprès des administrations et, plus largement, des tiers.

Cependant, les principes essentiels de la profession d’avocat – premier article du premier titre du Règlement Intérieur National – nous commandent de faire preuve, à l’égard de nos clients, « de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence ». (7)

Si nous n’avons pas à prouver par écrit le mandat que nous tenons de notre client, le mandat doit néanmoins exister.

En application de l’article 8 du décret du 12 juillet 2005, l’étendue du mandat est limitée : « l’avocat s’assure au préalable de la licéité de l’opération pour laquelle Oui est donné mandat. Il respecte strictement l’objet du mandat et veille à obtenir du mandant une extension de ses pouvoirs si les circonstances l’exigent.

L’avocat ne peut, sans y avoir été autorisé spécialement et par écrit par le mandant, transiger en son nom et pour son compte ou l’engager irrévocablement par une proposition ou une offre de contracter.

L’avocat ne peut disposer de fonds, effets ou valeurs ou aliéner les biens du mandant que si le mandat le stipule expressément ou, à défaut, après y avoir été autorisé spécialement et par écrit par le mandant. »

Bref, la dispense de la justification du mandat n’en exclut pas l’existence.
C’est toute la différence entre l’existence et la forme ; quoiqu’il soit difficile d’exister sans être en forme.

Malgré la dispense d’avoir à justifier du mandat dans son activité judiciaire, la Cour de cassation a rappelé que la présomption de l’existence même du mandat de représentation en justice peut être combattue par la preuve contraire. (8)

La présomption de mandat ad litem constitue l’exception au principe de justification du mandat (écrit ou non) posé par l’alinéa premier de l’article 416 du Code de procédure civile.

La Cour d’appel de Paris l’a rappelé : « Si l’article 416 du Code de procédure civile dispense les avocats de justifier qu’ils ont reçu mandat pour représenter le plaideur, il n’en demeure pas moins que la partie adverse peut contester l’existence de ce mandat ». (9) Le mandat prend une autre ampleur en vertu de l’article 417 selon lequel « la personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée, à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement ».

C’est toute la différence entre instance, action et procédure.

avocat droit des étrangers

Accolé à la locution latine ad agendum, le mandat signifie littéralement : « pour agir, en vue de l’action » (la préposition ad signifiant en vue de et agendum, gérondif du verbe ago, signifiant je mets en mouvement, je fais une chose, j’agis).

Par le mandat « ad agendum », le titulaire de l’action en justice confie à une personne la mission d’entreprendre et de conduire le procès à sa place.

Il se distingue du mandat « ad litem » qui ne vise que la représentation dans l’accomplissement des actes de procédure et ne confère ni pouvoir d’initiative ni direction.

Les syntagmes s’empilent donc.
Ils s’emboîtent aussi.

Le mandat ad litem consiste en un mandat ad solemnitatem, et non pas, en principe, en un mandat ad instrumentum ou ad probationem.

La locution latine, accolée au mandat, circonscrit l’intervention de l’avocat.

L’herméneutique – ici judiciaire – a permis de renforcer l’étendue du mandat ad litem.

A l’égard du juge et de la partie adverse, le mandataire ad litem est réputé avoir reçu spécialement le pouvoir d’acquiesce (10)

Néanmoins, selon l’adage « Nemo plus juris » (11), personne ne peut transférer à un autre plus de droits qu’il n’en a lui-même.

Le défaut de pouvoir vicie donc la procédure par une irrégularité de fond en application de l’article 117 du Code de procédure civile selon lequel « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : (…) Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. »

Le tuteur par son mandat ad agendum choisit un avocat, lequel a un mandat ad litem dont il conserve jalousement la prérogative ad solemnitaten. Mais attention, parfois l’avocat devra penser à se ménager une preuve et le mandat ad probationem lui sera utile.

Nous voyons ainsi très bien à quel syntagme nous vouer et où nous confesser en cas de contrôle : auprès de notre patron séculaire : le btonnier.

Le contrôle relève, en effet, du Conseil de l’Ordre, car il s’agit de déontologie. Le juge n’a pas de pouvoir de contrôle du mandat légalement verbal (12).

Le mandat doit exister, que l’avocat soit choisi ou désigné au titre de l’aide juridictionnelle.

Le justiciable qui bénéficie de ce secteur dit assisté n’en est pas pour autant mis sous tutelle et l’avocat agit ici sous mandat ad litem et non sous mandat ad agendum.

Le dossier de demande d’aide juridictionnelle doit être signé par le bénéficiaire, c’est-à-dire le justiciable, qui atteste sur l’honneur des renseignements donnés (13). Seul le justiciable peut attester, entre autres renseignements, du montant de ses revenus (14).

Ainsi, même dans le cadre de l’aide juridictionnelle, le justiciable conserve le libre choix de l’avocat.

Les principes « de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence » (15), ont vocation à s’appliquer. L’avocat – choisi ou désigné – doit ouvrir un dossier, s’entretenir avec son client.

Si l’avocat n’a pas à produire de mandat écrit, il doit se ménager la preuve de ce qu’il a le pouvoir de représenter telle personne.

Surtout, et en particulier, lorsqu’il tient son pouvoir d’un tiers, telle qu’une compagnie d’assurances.

Il est encore plus impératif de se montrer prudent lorsqu’il s’agit d’assister un groupe de personnes « fédéré » par une association. L’avocat a le devoir de vérifier que chacune des personnes est d’accord pour le mandater.

Rappelons que le mandat est porté par son étymologie, donner en main, c’est-à-dire en main propre, – quoique les avocats n’ont jamais les mains sales -.

Saint-Yves et syntagmes éclairent la religion de l’avocat. Vive le syncrétisme.

1 – Voir Avocabulaire, numerus clausus, quid? La Lettre du SAIT, Mai 2013
2 « Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les
administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires », article 6 de la loi 71-1130
3 – « Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation », article 4 de la loi 71-1130
4 – Voir Commentaire sous article 6 in Code de l’Avocat, pp 29 et s., Dalloz
5 – Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat
6 – (Comp. C. pr. civ., art 411. – Civ. Ire, 2 févr. 1994, n°92-12.467, Bull. civ. I, n° 47 ; RTD civ. 1994. 418, obs. Perrot ) ; mais en principe pas au-delà (un mandat en termes généraux ne permet pas de .former un pourvoi en cassation : Soc. 21 oct. 1999, Gaz. Pal. 2000. 1. Pan. 19). Des règles particulières s’appliquent cependant aux avocats investis d’un mandat de représentation en justice, qui sont réputés avoir reçu le pouvoir spécial pour plusieurs actes (V. infra, n° 126). Néanmoins, la loi exige un mandat spécial même de l’avocat pour d’autres actes de procédure (C. pr. civ., art. 306, 322, 343. – V. CADIET et IEULAND, Droit judiciaire privé, 5′ éd., 2006, Litec, rio 500). Et, comme, selon une jurisprudence constante (mais contestable), une déclaration de créance équivaut à une demande en justice, la personne qui déclare la créance d’un tiers doit, si elle n’est pas un avocat, être munie d’un pouvoir spécial, donné par écrit, avant l’expiration du délai de déclaration des créances (Cass., ass. plén., 4 févr. 2011, no 09-14.619 D. 2011.16 439, obs. Lienhard, Gaz. Pat. 9 mars 211, note Antonini-Cochin ; JCP E 2011, no 1264, note Roussel’ Galle ;
7 – Article 1.3 du Règlement intérieur national
8 – Casa. Com. 19 octobre 1993 Bull. Civ. IV n° 339
9 – Cour (rappel de Paris, Pôle 4, Ch. 9,22 nov. 2012 (R.G. n° 11107425) S’il n’est pas tenu de produire un pouvoir spécial pour acquiescer à la demande, l’avocat doit, dans ses rapports avec son client, être en mesure de justifier que le mandat reçu lui donnait effectivement ce pouvoir. Civ. 1 « , 9 mai 1996: Bull. civ. 1, n’ 191. Le dépassement par l’avocat de ses pouvoirs est de nature à engager sa responsabilité civile envers son client. TGI Dinan, 15 juin 1982: Gaz. Pal. 1983.1. 289, note Avril. … Voire sa responsabilité disciplinaire. Bordeaux, Il mars 1983: Gaz. Pal. 1983. 2. 384, note Damien et, sur pourvoi, Civ. Ire, 11 juill. 1983: Gaz. Pal. 1984, 1. 152, note .Damien. L’avocat qui lui avait donné des instructions à cette fin serait-il dominus titis, l’avoué ne doit signifier de conclusions de désistement qu’après avoir obtenu du client un pouvoir spécial. Civ. 1 », 2 févr. 1994: Bull. civ. 1, n’ 47; RTD civ. 1994. 418, obs. Pen-ot. Sur la portée des instructions verbales données par le V. Rép. min. n° 24737, JOAN Q, 3 nov. 2003, p. 8500.
10 – P. Julien et N. Fricero, Représentation en justice, J.-Cl. Procédure civile, Fasc. 106, n° 136 et s. ; J. Vincent et S. Guinchard, préc., n° 1162 et s..
11 – Nemo plus juds ad ilium transfert-0 potest quain ipse habet
12 – Cour d’appel de Paris, Pôle 4, Cli. 9, 22 nov. 2012 (R.G. n° 11/07425), voir note 9
13 – Formulaire d’aide juridictionnelle Céda n°12467’1’01
14 – Selon l’article 22-11 de la loi n°68-690 du 31 juillet 1968, toute personne qui :fournit des renseignements inexacts ou incomplets en toute connaissance de cause, est passible d’une peine de prison de 4 ans etiou (le 9000 e d’amende
15 – Article 1.3 du Règlement intérieur national.